Postface par Henry Meyric Hughes, Jean-Marc Poinsot
L’appel à contributions pour célébrer le 70è anniversaire de l’AICA était très ouvert mais focalisé sur les sections nationales de façon à compléter ce que AICA Press a déjà publié au moment du cinquantième anniversaire et du soixantième anniversaire de l’AICA et surtout de ce que les Archives de la critique d’art ont pu rendre accessible, grâce au projet de recherche PRISME (2015-2018). (i) Les textes qui nous sont parvenus et qui sont reproduits intégralement sur le site https://aica-international.squarespace.com/70th-anniversary-publication témoignent de cette ouverture par leur diversité y compris au-delà du cadre initial.
Une partie de nos attentes était liée à l’émergence, en parallèle de l’AICA, des Archives de la critique d’art (ii)[i] qui fondées à l’initiative de l’AICA France allaient collecter, cataloguer, numériser et conserver les archives de la sections française et par la suite les archives de l’association internationale.
Si celles-ci furent fondées en 1989, elles furent accompagnées de la création au Brésil, aux Pays-Bas, en Espagne, au Danemark entre autres d’institutions similaires[ii]. Les ressources documentaires qu’elles conservent et mettent à (iii) disposition ont permis de fonder certains récits reproduits sur ce site. Quand d’autres textes seront à l’origine de versement d’archives complémentaires.
Pour qui s’intéresse à l’historiographie, les histoires nationales des sections du Brésil, du Danemark, de la Turquie, mais aussi en complément celles des sections anglaise et française dans leurs efforts pour soutenir le développement et l’institutionnalisation de la critique en Afrique présentent chacune leur particularité dans les enjeux culturels et sociétaux qu’elles soulignent. On comprend que les interactions des pouvoirs et de la culture ne peuvent pas donner lieu au même type de récit pour l’Espagne, le Brésil, ou la Turquie. On perçoit en outre qu’à côté des histoires natrionales existent des liens régionaux très forts comme ceux qui lient le Danemark, la Suède, et la Norvège ou encore ceux qui rapprochent les îles de la Caraïbe du sud. Les membres de l’aica font aussi souvent face à l’histoire pour être proches des milieux de pouvoir. Les développements historiques de la création à ce jour, n’excluent pas l’expérience plus individuelle d’un moment fort comme la visite à Moscou et à Tbilissi de Sarah Wilson lors du congrès de septembre 1989.
L’AICA est une association professionnelle et comme telle elle est porteuse des intérêts de ses membres. Espoirs et désillusions [iv] se traduisent à vif dans les lieux et circonstances privilégiés que sont les congrès, les séminaires et colloques. Se glissent ici ou là à côté des récits factuels ou du rappel des positions intellectuelles [v] développées à l’occasion, les fiertés comme les déceptions. Cela nous rappelle que les critiques d’art sont toujours militants d’une cause. C’est ce qui marque la différence avec les textes des historiens d’art et ce qui fait sens dans leur démarche.
Est-ce que le développement des outils numériques et des réseaux sociaux que les critiques investissent largement aujourd’hui vont se traduire par une diminution de l’intérêt pour les échanges et rencontres propres aux congrès qui même dans la difficulté se sont toujours tenus avec régularité? On peut espérer qu’un ou plusieurs colloque explorent la nouvelle sociabilité des membres de notre association et les pratiques qui les accompagnent.
Le simple fait d’ouvrir cette rubrique peut nous laisser espérer qu’après les histoires nationales qui sont encore très incomplètes, vont venir des histoires plus détaillées comme des études de cas autour d’une personnalité ou d’une question particulière comme par exemple la création et le rôle de la section libre.
Ne rêvons pas cependant il reste encore à faire pour réaliser le voeu émis en 1988 par the former International President, Bélgica Rodríguez, who appealed to the members: ’AICA is not the Paris office nor the Executive Committee: it’s the gathering together of all the national sections. It’s a great family which should work as a team to carry forward our plans and programmes. It’s the activities of the national sections which make up the activities of AICA.’ [vi]
Lors de sa création l’UNESCO inspirée par la charte universelle des droits de l’homme chargea l’AICA d’un rôle spécifique sous réserve que celle-ci étende son action àà un nombre considérable de pays. D’où l’enjeu aussi de cette histoire par pays qu’il importe au delà de deux très détaillées et passionnante contribution de Ramon Tio Bellido et de Katy Deepwell. L’Asie pourtant si proche dans l’actualité de nos congrès reste ignorée. C’est un défi particulier de faire une juste place aux collègues que nous croisons souvent dans la vie professionnelle. Ce défi doit donc être relevé à coup d’articles, de séminaires, de colloques et congrès seuls terrains sur lesquels se mesurent les vraies ambitions de ceux qui créent un discours pour faire aux oeuvres une place dans la culture, et aux idées une antidote aux restriction à la liberté des esprits et des corps.
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[i] Voir Histoires de 50 ans de l’association internationale des critiques d’art/ AICA (dir. Ramón TióBellido), Paris aica press, 2002 et AICA in the Age of Globalisation, éds. Henry Meyric Hughes, Ramón Tió Bellido, Paris, aica press, 2010, ainsi que Le Projet PRISME, 2015-2018. Le projet de recherche PRISME, mené par Antje Kramer-Mallordy en partenariat avec l’Université de Rennes 2, s’est consacré à l’histoire internationale de la critique d’art après 1945. Il a permis le traitement intégral du fonds AICA International et de plusieurs fonds connexes aux Archives de la critique d’art. Les archives relatives aux Congrès et Assemblées générales annuelles (1948-2003) – correspondant à plus de 1600 documents – sont accessibles et téléchargeables dans la Base des fonds d’archives en ligne : https://www.archivesdelacritiquedart.org/
Réunissant les recherches inédites sur l’AICA, la publication finale du projet est annoncée pour 2020.
Pour plus d’informations sur le projet, voir https://acaprisme.hypotheses.org/
[ii]. Sous la forme de droit français d’un Groupement d’Intérêt Scientifique (GIS) les Archives de la critique d’art associent l’AICA, l’Institut National d’Histoire de l’Art (INHA) et l’Université Rennes 2 dans leur gouvernance.
[iii] Ce sont soit des institutions indépendantes, soit des dépôts dans des archives ou des bibliothèques nationales.
[iv]. Kim Levin dans l’historique du congrès qu’elle organisa se plaint de l’absence de soutien du bureau parisien et des agences fédérales des USA.
[v]. Voir le texte de Katy Deepwell.
[vi]. Citée par Lisbeth Bonde.