Le 18 octobre s’est conclu, avec une large participation, le talk organisé au Centro Sereno Regis et animé par Elena Radovix à la Galleria Moitre de Turin, consacré au travail de Roberto Ghezzi, artiste né à Cortona en 1978, dont le parcours a redéfini la relation entre art et environnement à travers une méthode profondément novatrice: la naturographie.
Dans ce processus, l’œuvre n’est plus un objet à composer, mais un champ d’interaction entre le geste de l’artiste et les forces naturelles — eaux, terres, agents atmosphériques — qui, au fil du temps, sédimentent et transforment les surfaces.
Le talk s’est tenu à l’occasion de l’exposition «480 ORE DI LUCE — ARTE, SCIENZA ED ECOLOGIA AMBIENTALE», un projet centré sur le rapport entre pratiques artistiques et durabilité, qui réfléchit à la lumière en tant qu’élément physique, symbolique et écologique.
Le dialogue a été enrichi par les interventions de chercheurs et de professionnels qui, depuis des perspectives variées, ont montré comment l’art peut devenir un dispositif écologique, un outil de lecture du paysage et de son évolution géologique. Rodolfo Carosi (Professeur ordinaire en géologie structurale et tectonique, Département des sciences de la Terre, Université de Turin ; Président de la Société géologique italienne) a apporté une contribution précieuse du point de vue scientifique, en soulignant comment les œuvres de Ghezzi partagent avec la géologie la capacité de rendre visible le temps profond et stratifié qui façonne la forme des territoires.
Orietta Brombin (commissaire et responsable des programmes éducatifs du PAV – Parco Arte Vivente de Turin), forte de sa longue expérience dans le domaine de l’art écologique, a rappelé l’héritage de l’art environnemental italien, de Piero Gilardi à Giuseppe Penone, en mettant en évidence la continuité entre ces expériences et la pratique de Ghezzi: un art qui ne représente pas la nature, mais qui se laisse transformer par elle, acceptant ses rythmes et son imprévisibilité. Dans ce sens, ont également été évoquées les marches de Richard Long en tant que forme esthétique et géographique, ainsi que l’œuvre d’Alighiero Boetti, qui a su interroger la géographie, la coopération et la notion même d’autorialité.
Fioly Bocca (écrivaine et auteure de récits contemporains liés aux thèmes de la nature et de la montagne) a apporté un point de vue poétique et narratif, parlant de la montagne non seulement comme lieu physique, mais aussi comme espace d’intériorité, thème qui résonne profondément dans les naturographies de Ghezzi, conçues en haute altitude ou le long de cours d’eau reculés, où la solitude et l’écoute deviennent des pratiques esthétiques.
Pour ma part, j’ai cherché, à travers mon intervention, à établir une connexion entre la géologie et l’art contemporain, en soulignant comment la montagne, à la fois matière et métaphore, devient aujourd’hui un élément actif de réflexion esthétique, symbolique et politique. Gabriele Romeo, Président d’AICA Italia et professeur de Phénoménologie des arts contemporains à l’Académie Albertina des Beaux-Arts, a voulu mettre en relation le travail de Ghezzi avec certaines expériences historiques et contemporaines qui explorent le paysage comme construction culturelle et comme lieu de vérité ambiguë. On pense à la photographie topographique et silencieuse d’Eugène Atget, qui documente les espaces urbains et naturels comme s’ils étaient déjà mémoire, ou encore aux stratégies de Joan Fontcuberta, qui a subverti l’idée même de “vérité photographique”, construisant paysages et fictions scientifiques afin d’interroger la relation entre image, réalité et crédibilité. J’ai enfin évoqué la peinture atmosphérique et visionnaire de William Turner, où la lumière et le climat deviennent les protagonistes absolus de l’expérience du paysage — non plus représenté, mais vécu, perçu, intériorisé.
À une époque marquée par la crise écologique, l’art ne peut que se confronter aux processus naturels, acceptant d’être traversé, transformé, décentré par rapport à l’humain. Ce n’est sans doute pas un hasard si le titre de l’exposition ayant accompagné cette rencontre et la recherche de l’artiste entre en résonance avec la célèbre exposition « Dall’arte alla natura / dalla natura all’arte », présentée à la 38ᵉ Biennale de Venise en 1978, sous le commissariat de Germano Celant, année même de la naissance de Roberto Ghezzi.
À cette occasion, le débat international sur l’art environnemental et le retour à la nature prenait une importance centrale, préfigurant nombre des recherches qui, aujourd’hui, avec de nouveaux outils et de nouvelles urgences, trouvent place dans les pratiques artistiques contemporaines. Le travail de Ghezzi s’inscrit pleinement dans cette généalogie: un art-processus, un art à l’écoute, où le paysage n’est pas un sujet à représenter, mais un organisme vivant à traverser.
Un remerciement sincère à toutes celles et tous ceux qui ont contribué à ce moment de réflexion partagée, lequel confirme combien il est nécessaire aujourd’hui de retrouver une pensée écologique de l’art, capable de devenir espace, trace et temps de la nature elle-même.
